Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/58

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auxquelles les saints Jérôme convient le siècle ; et de cette discipline, de ce châtiment de sa pensée et de sa chair, de cette éducation de pénitence, des mains de ce maître sans sagesse, le jeune homme était arrivé tout à coup au mariage, effarouché, troublé de répugnances et comme de vœux secrets, inhabile à l’amour, presque hostile à la femme.

M. de la Vauguyon ne voulait point abandonner son œuvre : il traversait le jeune ménage, et son ombre, en passant, rompait le tête-à-tête. Animé contre M. de Choiseul par le refus de la place de son beau-père, le duc de Béthune, chef du conseil des finances[1], il luttait contre les yeux et le cœur du Dauphin, il retardait l’épanchement et la confiance des époux. Il se démenait dans ces intrigues, dans ces complots honteux, dans ces achats des inspecteurs des bâtiments qui, à Fontainebleau, éloignaient l’appartement du Dauphin de l’appartement de la Dauphine. Il s’oubliait jusqu’aux espionnages, semant les rapports, dénonçant à Louis XV les lectures du Dauphin ; et il poussait si loin la basse surveillance que la Dauphine finissait par dire à l’ancien gouverneur de son mari :

« Monsieur le Duc, Monsieur le Dauphin est d’un âge à n’avoir plus besoin de gouverneur, et moi je n’ai pas besoin d’espion ; je vous prie de ne pas reparaître devant moi[2] »

  1. Mémoires du duc de Choiseul écrits par lui-même. Première partie, 1790.
  2. Notice d’événements remarquables et tels qu’ils parviennent à ma connaissance, par Hardy. Bibliothèque nationale, manuscrits S F 2886, 2e vol., 4 février 1772. — Voici un