Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/59

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À ce cœur du Dauphin, à ce cœur fermé, élevé à vivre en lui et sans se répandre, opposer un cœur qui ne se suffit pas et se donne aux autres, un cœur qui s’élance, se livre, se prodigue, une jeune fille allant, les bras ouverts à la vie, avide d’aimer et d’être aimée : c’est la Dauphine.

La Dauphine aimait toutes les choses qui bercent et conseillent la rêverie, toutes les joies qui parlent aux jeunes femmes et distraient les jeunes souveraines : les retraites familières où l’amitié s’épanche, les causeries intimes où l’esprit s’abandonne, et la nature, cette amie, et les bois, ces confidents, et la campagne et l’horizon où le regard et la pensée se perdent, et les fleurs, et leur fête éternelle.

Par un contraste singulier, et cependant moins rare dans son sexe qu’on ne croirait, la gaieté, couvre ce fond ému, presque mélancolique de la Dauphine. C’est une gaieté folle, légère, pétulante, qui va, vient et remplit tout Versailles de mouvement et de vie. La mobilité, la naïveté,

l’étourderie, l’expansion, l’espièglerie, la Dauphine promène et

    passage curieux d’une lettre de la Dauphine à Marie-Thérèse sur M. de la Vauguyon : « Pour mon cher mari, il est changé de beaucoup et tout à son avantage. Il marque beaucoup d’amitié pour moi et même il commence à marquer de la confiance. Il n’aime certainement point M. de la Vauguyon, mais il le craint. Il lui est arrivé une singulière histoire l’autre jour. J’étais seule avec mon mari, lorsque M. de la Vauguyon approche d’un pas précipité à la porte pour écouter. Un valet de chambre qui est sot ou très-honnête homme ouvre la porte et M. le duc s’y trouve planté comme un piquet sans pouvoir reculer. Alors je fis remarquer à mon mari l’inconvénient qu’il y de laisser écouter aux portes et il l’a très bien pris. » (Maria-Theresia und Marie-Antoinette, von Arneth, 1865.).