Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/60

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répand tout autour d’elle en courant, le tapage de ses mille grâces. La jeunesse et l’enfance, tout se mêle en elle pour séduire, tout s’allie contre l’étiquette, tout plaît dans cette princesse, la plus adorable, la plus femme, si l’on peut dire, de toutes les femmes de la cour. Et toujours sautante et voltigeante, passant comme une chanson, comme un éclair, sans souci de sa queue ni de ses dames d’honneur, elle ne marche pas, elle court. Embrasse-t-elle les gens ? elle leur saute à la tête ; rit-elle en loge royale de la bonne figure de Préville ? elle éclate, au grand scandale des gaietés royales qui daignent sourire ; et parle-t-elle ? elle rit !

Quelle éducation différente de ces deux jeunes gens que la politique devait unir ! M. de la Vauguyon avait été l’instituteur du duc de Berry, l’abbé de Vermond avait fait et continuait à faire l’éducation de Marie-Antoinette. Sans doute, l’abbé de Vermond avait façonné une Française dans l’archiduchesse d’Autriche ; il ne lui avait pas seulement appris notre langue et ses délicatesses : il lui avait révélé nos mœurs jusqu’en leurs nuances, nos usages jusqu’en leurs manies, nos façons de penser et de goûter jusque dans les riens de la pensée et du goût, notre génie jusque dans le sous-entendu, toutes les choses de la France enfin dans le plus secret de leur pratique ; mais aussi il lui avait enseigné, ce rire.

L’Église avait été touchée du mal du siècle. Hors quelques grands et austères caractères fermes et debout dans la contagion et la corruption, toutes les