Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/62

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ponville, mais une séduction plus dangereuse, la séduction du plus mortel de l’esprit français, mais si bien manié qu’à peine l’on sentait sous le coup la plaie et la ruine.

Parmi ces maîtres de la femme, et de la société par la femme, dans ce grand parti du clergé qui s’appelait lui-même le clergé à grandes mœurs[1], le parti des abbés de Balivière, des abbés d’Espagnac, des abbés Delille, de tous ces instituteurs de médisance et d’irrespect qui commençaient entre deux portes de salon l’œuvre des États généraux, l’abbé de Vermond avait le premier rang. Il était un parfait persifleur, avec un sourire qui ne croyait à rien, les lèvres minces, l’œil perçant[2] et comme mordant ; un des plus méchants, un des plus aimables parmi ces abbés badins, à l’écorce philosophe, qui, logés dans la monarchie, faisaient tout autour un feu de joie des religions de la monarchie, sans songer à l’incendie[3].

Un tel précepteur eût fait bien du ravage dans une jeune fille moins bien douée que la jeune archiduchesse. Il pouvait glacer ses illusions, instruire son cœur, le mûrir et le flétrir. Mais si le cœur de Marie-Antoinette lui échappa, M. de Vermond toucha à son esprit. Il développa en elle ce germe

  1. Mémoires secrets de la République des lettres, vol. XXI.
  2. Mémoires de Weber, vol. I.
  3. Le portrait est-il un peu poussé au noir ? Mercy-Argenteau s’exprime favorablement sur le compte de l’abbé. Mais il ne faut pas oublier que l’abbé de Vermond est l’homme de Marie-Thérèse et de son ministre. Disons qu’il fut un des premiers familiers de la Reine qui émigrât.