Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/63

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railleur qui dormait au fond de l’enfant. Il encouragea l’archiduchesse, par l’exemple et l’applaudissement, à ces définitions, à ces épithètes, à ces petites guerres de la parole, à ce rire où elle mettait si peu d’amertume, mais qui, en France, et dans une cour où les sots ont des oreilles, devait lui faire tant d’ennemis. Ajoutez à cela l’horreur de l’ennui, le mépris de l’étiquette, la négligence de son rôle de princesse, vous aurez tout le mal fait chez Marie-Antoinette par une éducation qui la voulait plus près de son sexe que de son rang.

Que la jeune femme souffrit, tombée soudainement de la direction de M. de Vermond, ce railleur impitoyable des puérilités de la grandeur, sous la férule de madame de Noailles, la personne de France la plus entêtée du cérémonial français ! Vainement la jeune princesse essaya de se renouveler, elle ne put y parvenir. Mais aussi madame de Noailles la soutint peu dans cette lutte contre les enseignements et le pli de toute sa jeunesse. Madame de Noailles était une femme pénétrée du respect d’elle-même, un personnage important qui ne descendait jamais à se dérider, ni à avertir sans gronder. Elle semblait véritablement une de ces mauvaises fées des contes de Fées, hargneuse et chagrine, et toujours tourmentant une pauvre princesse. Aussi, du premier mot, la Dauphine la baptisa-t-elle madame l’Étiquette[1] ; et plus tard, un

  1. Portefeuille d’un talon rouge contenant des anecdotes galantes et secrètes de la cour de France. À Paris, de l’imprimerie du comte de Parades.