Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/64

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jour de son règne où, étant montée à âne, elle s’était laissée tomber : « Allez chercher madame de Noailles, — fit en riant Marie-Antoinette, — elle nous dira ce qu’ordonne l’étiquette quand une reine de France ne sait pas se tenir sur des ânes[1]. »

Le mauvais vouloir d’une autre femme contre la Dauphine servit les mécontentements de madame de Noailles. Madame de Marsan, à laquelle l’estime de la cour donnait une grande considération, était la personnification sévère et empesée des vertus du temps de Henri IV. N’ayant pu garder la fraise et le vertugadin, elle conservait le port et la roideur d’un portrait de Clouet. Il restait encore en elle un peu du sang et de l’humeur de cette Marsan fameuse qui, au temps des dragonnades, s’était fait distinguer par le zèle de la persécution. Et quels tourments de toutes les heures de Marie-Antoinette, les sermons éternels de l’amie et de l’alliée de madame de Noailles ! Aux yeux de madame de Marsan, cette démarche légère et balancée de la Dauphine, c’était une démarche de courtisane ; cette mode des linons aériens, elle l’appelait un costume de théâtre cherchant à produire un irritant effet. La Dauphine levait-elle les yeux, madame de Marsan y voyait le regard exercé d’une coquette ; portait-elle les cheveux un peu libres et flottants, les cheveux d’une bacchante ! murmurait-elle ; la Dauphine parlait-elle avec sa vivacité naturelle, c’était une rage de

  1. Mémoires historiques par Soulavie, vol. VI.