Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/68

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nie. Madame de Picquigny la sollicite et la lance aux espiègleries contre les figures bizarres, les ajustements gothiques, les prétentions, les gaucheries, les ridicules et les hypocrisies ; et c’est dans sa familiarité que s’ébauchent ces traits, ces mots, ce partage des femmes de la cour en trois classes, les femmes sur l’âge, les prudes faisant métier de dévotion, et les colporteuses de nouvelles empoisonnées : les siècles, les collets montés et les paquets[1], sobriquets innocents dont s’amusait la jeune Dauphine, et qui préparaient tant de haines à la Reine de France !

Mais M. de la Vauguyon tenait encore alors le Dauphin sous la tutelle de ses avertissements et de ses représentations. Quelles suites, murmurait-il à son oreille, si jamais le Roi était instruit de cette ligue de la Dauphine avec madame de Picquigny contre la grande sauteuse ! Il faisait d’un autre côté insinuer à la Dauphine que les personnes faites et tournées comme madame de Picquigny, spirituelles de nature, font esprit de tout ; qu’elles sont entraînées à n’épargner personne, pas même une bienfaitrice et qu’il leur arrive de s’acquitter de la reconnaissance par des brocards. De la confiance et de l’abandon, la Dauphine passait à la réserve avec madame de Picquigny, et de la réserve à l’indifférence. C’était le moment attendu par M. de la Vauguyon. Il poussait aussitôt dans les bonnes grâces de la Dauphine une favorite nouvelle et

  1. Portefeuille d’un talon rouge.