Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/69

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à sa dévotion, sa bru, madame de Saint-Mégrin. Celle-ci était plaisante, à peu près autant que madame de Picquigny, mais sans étourderie, avec choix, avec discernement, avec prudence. Elle plaisantait aussi, mais bas, et de certaines personnes. Formée par M. de la Vauguyon, elle s’avançait sans éclats et par glissades dans la faveur de la Dauphine, essayant de lui plaire sans déplaire, gardant pied à la cour de Louis XV, habile à se ménager, à se prêter et à se reprendre, à se compromettre à demi, et à faire la révérence sans tourner le dos à personne. La Dauphine perça vite ce jeu[1], et quand madame de Saint-Mégrin vint à solliciter la place de dame d’atours auprès d’elle, s’appuyant de droite et de gauche, faisant jouer par-dessous main, avec le crédit de son mari auprès du Dauphin, la bienveillance de madame du Barry, la Dauphine alla prier le Roi de la refuser. Le Dauphin appuyait madame de Saint-Mégrin, le Roi l’avait déjà désignée, mais la répugnance de la Dauphine l’emporta. Madame de Cossé fut nommée, et elle entra en faveur en entrant en place. Madame de Cossé était une compagne plus sérieuse, plus sage, plus mûrie par la vie. Elle avait, non l’agrément des bons mots, mais l’agrément de la raison aimable et de l’expérience qui pardonne ; elle y joignait la patience de ce qui est maussade et la tolérance de ce qui est ridicule.

  1. « M. de Saint-Mégrin, fils de M. de la Vauguyon, qui est encore plus dans l’intrigue et plus méchant que son père, » dit la Dauphine dans une lettre adressée à Marie-Thérèse, en date du 16 avril 1771.