Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un esprit anglais logé avec une imagination française dans une tête de femme, telle un jugement du temps nous peint madame de Cossé[1].

Pour détacher la Dauphine de madame de Cossé, d’un pareil guide, d’une conseillère si sûre, il ne fallut rien moins qu’un sentiment jusqu’alors inconnu de la Dauphine, une liaison d’une espèce nouvelle, d’une confiance plus tendre, d’une sympathie plus émue. La Dauphine avait vu madame de Lamballe aux petits bals de madame de Noailles : elle connaissait l’amitié[2].

Madame de Lamballe avait l’intérêt de ses vingt ans et de ses malheurs. Marie-Thérèse-Louise de Carignan était restée veuve, à dix-huit ans, d’un mari mort de débauches, Louis-Alexandre-Joseph-Stanislas de Bourbon, prince de Lamballe, grand veneur de France. Le malheureux père de ce misérable jeune homme, M. le duc de Penthièvre, avait fait de sa belle-fille sa fille adoptive. Madame de Lamballe fut bientôt de tous les plaisirs de la Dauphine, de tous les bals qu’elle donnait dans son appartement ; elle y brilla singulièrement, et jusqu’à toucher Louis XV. Un moment, madame du Barry, les valets de sa faveur, la cour, l’imagination des nouvellistes, tout s’émut dans l’attente de grands changements et de grandes menaces : un mariage de Louis XV avec madame de Lamballe[3], et ce

  1. Portefeuille d’un talon rouge.
  2. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, par A. de Bacourt, 1851. Introduction.
  3. Notice d’événements, par Hardy, 25 décembre 1771.