Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/73

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vers des écoliers du collège de Montaigu, quelles pauvres adulations elles semblaient à la Dauphine auprès de ce grand peuple et de cette grande voix. Elle allait, saluant et remerciant, étourdie de bruit, de joie et de gloire. Remontée au château, elle voulut encore se faire voir, encore ravir ce peuple ; et, malgré le grand soleil, Marie-Antoinette restait un quart d’heure sur la galerie à se montrer, à s’entendre applaudir, retenant à peine les larmes d’attendrissement qui lui montaient aux yeux[1].

Cette grande émotion, cette joie de l’âme d’une princesse française, Marie-Antoinette les laisse éclater dans cette lettre à sa mère : « J’ai eu mardi dernier une(fête) que je n’oublierai de ma vie ; nous avons fait notre entrée à Paris. Pour les honneurs, nous avons reçu tous ceux qu’on peut imaginer ; tout cela, quoique fort bien, n’est pas ce qui m’a touché le plus, mais la tendresse et l’empressement de ce pauvre peuple, qui, malgré les impôts dont il est accablé, était transporté de joie de nous voir. Lorsque nous avons été nous promener aux Tuileries, il y avait une si grande foule que nous avons été trois quarts d’heure sans pouvoir ni avancer ni reculer. M. le Dauphin et moi avons recommandé plusieurs fois aux gardes de ne frapper personne, ce qui a fait un très bon effet. Il y a eu un si bon ordre dans cette journée que, malgré le monde énorme qui nous a suivis partout, il n’y a eu personne de blessé. Au retour de la promenade, nous sommes montés sur une terrasse découverte et y sommes restés une demi-heure. Je ne puis vous dire, ma chère

  1. Notice d’événements, par Hardy, 8 juin 1773.