Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/75

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compromettre jusqu’au coudoiement, pour surprendre et goûter la popularité dans le plus vif et le plus vrai de sa familiarité. Ce sont alors, avec la famille royale qu’elle entraîne, des promenades à pied dans le parc de Saint-Cloud. La Dauphine se mêle à la foule ; elle parcourt les bas jardins, elle regarde les eaux, elle s’arrête à la cascade, perdue et se cachant parmi tous, dénoncée à tous par son enjouement et son plaisir. Avec son mari et les enfants de la famille, elle va tout le long de la fête, et de la foire des boutiques, riant où l’on rit, jouant où l’on joue, achetant où l’on vend ; bientôt reconnue, montrée, saluée de la foule, accablée de suppliques. L’écuyer qui la suit se fatigue de les recevoir, et refuse le placet d’une vieille femme. La Dauphine le gronde tout haut, et la foule d’applaudir ! La Dauphine, suivant les Parisiens et la foule, entre dans la salle de bal du portier Griel, elle se régale de regarder danser, et elle veut que les danseurs oublient qu’elle est là, et que la joie continue[1]. Quelle nouveauté, « quelle révolution, » c’est le mot d’un spectateur du temps, ces princes mêlés au peuple, et s’amusant de ses jeux, côte à côte avec lui ! Et quelles louanges dans toutes les bouches, quels amours par tout le royaume de cette Dauphine chérie qui faisait le miracle de rattacher ainsi Versailles à la France !

La France et l’avenir souriaient à la reine future ;

  1. Notice d’événements, par Hardy, 8 et 6 septembre 1773.