Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/78

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seph, sur la bonne foi du dévouement de Marie-Antoinette à sa nouvelle patrie.

Les manœuvres étaient habiles, hardies, continues. Le parti ne répugnait à rien pour donner raison à sa politique. N’allait-il pas jusqu’à mettre aux mains de madame du Barry, à la fin d’un souper, la dépêche funeste du cardinal de Rohan, livrée à la favorite par M. d’Aiguillon, et à la lui faire lire ne pleine table ? «… J’ai effectivement vu pleurer Marie-Thérèse sur les malheurs de la Pologne opprimée ; mais cette princesse, exercée dans l’art de ne point se laisser pénétrer, me paraît avoir les larmes à commandement : d’une main elle a le mouchoir pour essuyer ses pleurs, et de l’autre elle saisit le glaive de la négociation pour être la troisième puissance copartageante[1]. » Un peu de l’odieux de cette fausseté prêtée à Marie-Thérèse ne pouvait manquer, le parti le savait bien, de rejaillir sur sa fille. Il fallait donner cette croyance au public que le mensonge et la comédie sont de race ; il fallait commencer à familiariser le génie de la nation avec l’idée d’une haine nationale contre sa souveraine.

À ce malheur, le partage de la Pologne, s’était joint contre Marie-Antoinette, dès les premiers jours de son mariage, une faute dont Marie-Thérèse devait porter le reproche, une faute d’apparence légère, mais de terrible conséquence chez un peuple

  1. Mémoires pour servir à l’histoire des événements de la fin du dix-huitième siècle, par l’abbé George. Paris, 1817, vol. I.