Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jeunesse, et les plus belles vertus de sa jeunesse continueront-elles à trouver autour d’elle la censure impitoyable d’ennemis de sa maison ? Ou bien plutôt n’est-il pas à croire que la Reine va prendre sa part de domination légitime sur cette volonté de Louis XVI qui se donne à tous, s’établir, elle aussi, dans sa confiance, et l’emporter à la fin sur les intrigues qui ont amené le Dauphin à se reculer d’elle, comme d’une ennemie des Bourbons ?

Une femme déjoua ces espérances de la Reine, cette attente de l’opinion publique. Domptant le mal qu’elle porte en elle, ce germe de petite vérole qu’elle a pris au lit de mort de son père Louis XV, Madame Adélaïde entoure, elle enveloppe Louis XVI en ces premiers moments. De Louis XVI à Madame Adélaïde, du neveu à la tante, il y avait de grandes attaches, la reconnaissance toujours vive de la surveillance amie et des tendres soins qui seuls avaient un peu caressé sa triste et solitaire enfance. Pauvre enfant ! en effet, qui avait grandi, presque orphelin, sans mère, sans amis, et qui, pleurant au milieu d’un jeu d’enfants, s’échappait à dire : « Et qui aimerai-je ici, où personne ne m’aime[1] ! » Madame Adélaïde avait eu auprès du Dauphin le rôle d’une mère ; elle en a auprès du Roi l’autorité. Elle réveille en lui les souvenirs de famille endormis et les ressentiments apaisés. Elle lui parle de son père, éloigné des affaires, humilié, annihilé tout le long du long règne de M. de Choi-

  1. Maximes et pensées de Louis XVI et d’Antoinette. Hambourg, 1802.