Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/98

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C’en était trop : M. de Maurepas comprit que ses alliés dépassaient le but. Poussé par lui, le Roi parla ferme à ses tantes. Il courut même le bruit de leur retraite, de leur exil en Lorraine.

Débarrassé du zèle compromettant de Mesdames, s’appuyant contre la Reine sur M. de Vergennes de retour de Suède, assuré de M. Turgot, le nouveau ministre qui apportait contre elle les préventions de ses mœurs et les antipathies de ses habitudes d’esprit, M. de Maurepas jouait la soumission auprès de Marie-Antoinette. « Madame, — venait-il lui dire, — si je déplais à Votre Majesté, elle n’a qu’à engager le Roi à me donner mon congé : mes chevaux sont tout prêts à partir d’ici ». La Reine se laissait désarmer par cette comédie de détachement[1].

C’était là un habile coup de théâtre. Il ne convenait pas, en effet, au premier ministre de permettre que la Reine fût exaspérée. Il était dangereux pour lui de laisser les choses aller si vite, les haines s’emporter si haut contre une souveraine qui avait encore le cœur des Français. L’enivrement, l’amour national qui avait accueilli la Dauphine, avait accompagné Marie-Antoinette sur le trône. Ce n’était point seulement aujourd’hui les dons de sa jeunesse qui possédaient et enchantaient l’imagination populaire ; mais aussi cette bonté, ce besoin d’obliger, de secourir, de donner, cette charité naturelle qui eût été la plus belle des vertus de la

  1. Ibid., par l’abbé Beaudeau.