Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/142

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un très grand mépris pour la politique de la France qu’ils traitent de politique sentimentale.

La dame du logis ne sort guère plus dans la journée que le soir. Elle a conservé à Paris ses habitudes de réclusion de la femme italienne, et pour s’occuper, quand elle a découvert dans le Constitutionnel, un roman qui ne dure pas vingt-quatre volumes, elle le traduit pour elle toute seule, en pur toscan.

Un intérieur charmant, mais trop de portraitures d’amis et de parents. Le petit salon ressemble au Temple de l’Amitié. De tous ces portraits, un seul est intéressant au point de vue moral : c’est le portrait de la maîtresse par la mère de l’amant.

— On peut se servir de coquins, a dit La Bruyère, mais l’usage en doit être discret. Peut-être, en ce temps, l’usage en est-il sans discrétion ?

— Dîner chez Dinochau, le marchand de vin de la rue de Navarin. Petit escalier tournant à tablier, menant à une salle boisée de chêne verni, tendue de papier rouge velouté. Table en fer à cheval. Un dîner à 35 sous, un dîner bourgeois dont le fond est la soupe et le bouilli, et qui est le dîner de la littérature dans les moments de désargentement et de panne. Là-dedans, Monselet, Scholl, Audebrand, Busquet, le doux poète à lunettes et à manchettes bouillonnées, et des femmes en cheveux du quartier, et d’amusants déclassés comme ce Bourgogne, à la laideur d’un Mirabeau, avec une fièvre pétil-