Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/165

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21 octobre. — « Vous n’êtes pas disposés à épouser, tous deux, Mme Doche, n’est-ce pas ? Eh bien ! ne présentez pas cela. Il vous faut, comme on dit, de grands acteurs, et vous ne les aurez pas ! » C’est Banville qui nous parle ainsi, après la lecture d’un acte intitulé : Incroyables et Merveilleuses, et que nous avions écrit, après notre Histoire du Directoire.

… Le joli causeur à la malice amusante que ce Banville, et tout ce qu’il raconte sur le théâtre qu’on ne lit pas, avec des aperçus si philosophiquement blagueurs, et les portraits si bien mordus à l’eau-forte qu’il enlève des comédiens et des comédiennes, et le délicieux comique et le parfait acteur qu’il est pour jouer ce monde des planches, et l’art unique qu’il a, avec son ironie flûtée et poignardante, d’exposer les dessous infâmes ou ironiques des choses des coulisses… Et les paradoxes charmants, énormes, stupéfiants, les paradoxes de lettré, où au fond de l’exagération hyperbolique, existe toujours un grain infinitésimal de vérité ou de bon sens, et qui sortent de sa bouche à tout moment. Qu’on l’écoute :

« Savez-vous la recette de Duvert et de Lausanne pour faire un vaudeville ? Ils prennent Andromaque. Oui, Andromaque ! Maintenant, voici comment ils l’arrangent. D’Andromaque, ils font un pompier. Puis, la jalousie, le nœud de la pièce, ils la transforment en le désir d’obtenir un bureau de tabac… » Et ainsi du reste.