Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/249

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ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour.

Quelques marchandes à la toilette s’en vont le long de ces nippes orgueilleuses et flétries, semblant, dans la tunique de Camille, chercher l’accroc de l’épée de son frère…

« Passez, messieurs et dames ! » fait la voix glapissante d’un crieur qui pousse par les épaules la foule hébétée.

À côté, voici l’argenterie et les seaux de Champagne, que certes ni Meissonier ni Germain n’ont ciselés, trois nécessaires de voyage, quelques livres en misérable habit, en demi-reliure, des diamants ; un reliquaire de bijoux dessiné sur les étrusques du Vatican et du Musœo Borbonico, une parure zingare aux pierres sans valeur, montée par quelque Gilles l’Égaré du royaume de Thunes, un odieux service de dessert en porcelaine peinte et des tasses de Sèvres moderne.

« Passez, messieurs et dames », glapit encore la voix.

Et c’est le salon : un salon de tapissier du Marais. Puis, la chambre à coucher, avec son petit lit en bois noir, aux rideaux de soie bleue, et jetés dans toute la chambre, sur le lit, les fauteuils, les chaises, des dentelles, des volants d’Angleterre, des garnitures de Malines, des mouchoirs de Valenciennes, qu’une vieille, toute jaune, assise au chevet du lit, surveille et couve de son œil cupide et juif. « Passez… » répète encore la voix.