Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/253

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croit un architecte, lui fait la cour. Ce jeune homme ainsi que dans les romans, est un comte, propriétaire d’un des châteaux voisins, un jeune homme menant grand train et au bord de la ruine. Elle se laisse enlever, et voici la fillette installée au château, où le comte s’amuse de sa villageoiserie, de son ignorance de tout, et l’enferme à clef dans sa chambre, le jour où il fait venir de Paris, des filles qu’il s’amuse à chasser nues dans son parc, sous des robes de gaze, que déchirent deux petits chiens de la Havane.

Cela se termine au bout de moins d’une année, par une ruine complète du comte, qui, traqué par les recors, monte sur le toit de son château et se brûle la cervelle, à la façon d’un châtelain du vieux temps. La fillette est mise à la porte du château avec, pour tout argent, une montre garnie de perles, et deux boucles d’oreilles en diamants. Elle est grosse. Elle va accoucher chez une sage-femme qui la vend à un entrepreneur de maçonnerie qu’elle prend aussitôt en dégoût, et pour vivre, revient apprendre le métier de sage-femme, chez celle qui l’a accouchée.

28 avril. — J’ai été une première fois à l’Hôtel de Ville. Cette fois, j’y ai vu dans la salle Saint-Jean, les tués de Février, très proprement embaumés, et dans une chemise de percale.

Je fus une seconde fois à l’Hôtel de Ville. Cette fois-là, dans la même salle, je me suis mis aussi nu qu’un ver, j’ai endossé des lunettes bleues, et