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causer et raconter des histoires chez le vieux Giraud jusqu’à deux heures du matin. C’est l’habitude de la maison.

J’oubliais. La princesse a eu toute la journée une joie enfantine. On lui a apporté sa médaille d’or. Elle veut en faire un bijou, une espèce d’ordre et à la fois un bouquet de côté, pour porter dans ses soirées.

Mardi 15 août. — Eugène Giraud nous mène à la maison rustique qu’il possède à Saint-Gratien, une maison inventée dans une grange, et bâtie et décorée de débris moyenâgeux, et où les lierres, la vigne folle, toutes les plantes de liberté, jettent leurs lianes et leur verdure zigzaguante sur le bric-à-brac de l’architecture de l’intérieur. C’est le cottage, le vrai nid d’une lune de miel romantique.

Giraud n’y habite jamais. On a voulu la lui acheter le prix qu’il en voudrait. Il s’y est refusé. Singulier homme, vrai artiste, original qui a passé sa vie à faire des folies comme l’achat de cette maison, comme l’achat de sa grande maison de Paris, folies qui l’ont fait riche sans qu’il y songeât. Vieil habitué de coulisses, honnête noctambule du boulevard, faisant lit commun avec sa femme, dans une coucherie patriarcale, qui a le grand fils au pied du ménage, en travers, sur un lit de sangle.

En retournant au château, nous trouvons la princesse revenant du Te Deum pour la fête de l’Empereur, dont elle a eu la discrétion de ne pas nous par-