Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/298

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« Faites donc cela avec la main morte… Indiquez ceci comme cela… Mettez de la sauce là… je sais bien, vous ne voulez pas vous salir les doigts ? » — « Si Monsieur ! » répond la princesse. Une leçon coupée de petites révoltes charmantes et de bougonnements pleins de grâce, au milieu de laquelle tombe soudainement une envie de manger du cocomero.

Et voilà les figures des deux femmes entrant dans ces tranches roses bordées de vert, qui leur laissent aux joues comme du fard mouillé, et où çà et là, un pépin noir fait une mouche.

Les trois chiens ronflent dans leur panier, et toujours des dépêches, et un travail, par ce jour de fête, comme si la princesse avait à gagner sa vie, et attendait pour dîner le prix de son portrait.

Cela dure presque jusqu’à six heures et demie, où chacun va passer l’habit du dîner. Au second service, on annonce la fanfare d’Ermont. « Dites que je suis couchée et que j’ai la migraine, » fait la princesse. On passe du champagne, et la princesse levant son verre : « À la santé du tyran ! » comme dit Giraille….

Et l’on cause peinture et commandes. Hébert demande à la princesse conseil à propos d’un travail que sollicite de lui la Païva, qui est venue un jour l’enlever dans son atelier. La princesse est fort indignée qu’un peintre, de la valeur d’Hébert, travaille pour une pareille femme, et lui dit :

— « Une drôlesse comme ça, protéger l’art… Mais vous ne pourriez pas seulement mener chez elle votre mère voir vos peintures !