Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/62

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lancent à une ficelle, tendue entre deux arbres, des caricatures bêtes contre l’Empereur et l’Impératrice.

Dimanche 18 septembre. — Pélagie n’a trouvé ce matin, chez les boulangers d’Auteuil, qu’un sou de pain.

Lundi 19 septembre. — Le canon tonne toute la matinée. Je suis à onze heures à la porte du Point-du-Jour. Sous le pont du chemin de fer, suspendues à des saillies de la muraille crénelée qui n’est pas terminée, montées sur des tas de plâtre et de moellons, grimpées sur des échelles, des femmes écoutent anxieuses, du côté du pont de Sèvres, pendant que défilent, sous elles, des bataillons qui vont au feu, et s’ouvrent difficilement un passage dans la rentrée des derniers habitants extra muros, poussant devant eux leurs brouettes chargées, — mêlés qu’ils sont à des bandes de fuyards.

On interroge ces hommes, où il y a des lignards du 46e ayant de la boue jusqu’aux genoux, et quatre ou cinq zouaves, dont l’un a une égratignure à la figure : ces hommes qui semblent chercher à jeter le découragement, avec leurs paroles, leurs têtes épouvantées, leurs mines de lâches.

En dépit de cet aspect de retraite, de débandade, de panique, les mobiles, qui attendent des ordres, et sont dans le désarroi de corps non comman-