Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dés, sont un peu pâles, mais avec un air de décision.

En ce moment défile, avec la tenue martiale de vieilles troupes, un bataillon de garde municipale, dont un officier, en tournant le pont, et apercevant le zouave à l’égratignure, crie à la foule : « Qu’on arrête ce zouave, ils se sont sauvés ce matin ! » et bientôt je vois le zouave arrêté et ramené au feu.

Rentre un bataillon de mobiles, dont un moblot a une épaule prussienne au bout de sa baïonnette.

Puis, c’est une tapissière, où il y a trois zouaves blessés, et dont on ne voit passer que le haut des trois fusils, et des têtes jaunes sous des calottes rouges.

Les mobiles s’agitent autour de moi, fiévreux, impatients, demandant à aller au feu, chantant la Marseillaise, et commencent un feu roulant avec leurs cartouches à balles qu’ils essayent.

Je retourne au Point-du-Jour, au moment où rentre un petit peloton de zouaves. Ils disent que c’est tout ce qui reste du corps de deux mille hommes dont ils faisaient partie. Ils racontent que les Prussiens sont au nombre de cent mille dans le bois de Meudon, que le corps de Vinoy a été dispersé comme les grains de plomb d’un coup de fusil… On sent dans ces récits la démence de la peur, les hallucinations de la panique.

 

Un joli tableautin, à la porte de Neuilly. Dans l’encombrement des voitures et des déménagements, une brouette arrêtée, dont le brouetteur reprend