Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/38

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rappelle le petit cadre, plaqué sur une porte cochère du quai Voltaire, le petit cadre en bois blanc, dans lequel, une de ses premières aquarelles nous donnait l’envie, à mon frère et à moi, de prendre des leçons de l’aquarelliste. Je lui raconte que, séduits par une grande vue de Venise, exposée vers 1850, rue Laffitte, nous avions péniblement ramassé les trois cents francs que Cornu en demandait, et que, dans le moment même où nous entrions dans la boutique apporter notre argent, nous voyions mettre par un monsieur, sur un cabriolet, la toile désirée, — une des toiles capitales du peintre, et qui vaut au moins une dizaine de mille francs, à l’heure qu’il est.

Ziem me parle de sa santé, des chaleurs qui lui montent à la tête, du manque d’équilibre de sa circulation, de l’impossibilité qu’il éprouve maintenant à travailler dans des lieux fermés. Il me conte l’habitude qu’il a prise, de dessiner, de peindre en plein air, debout, et cela, pendant huit ou dix heures, disant qu’assis, il retient sa respiration, penché qu’il est sur son travail, tandis que tout droit dans la campagne, il respire à pleins poumons.

 

C’est la voix du général Schmitz qui jette à la table.

« Oui, oui, il faudra bien qu’un jour la vérité se fasse, que la vérité soit connue ! Eh bien, le 18 août, le retour sur Paris était résolu. L’Empereur y était décidé. Mac Mahon, de son côté, avait résisté aux obsessions de Rouher et de Saint-Paul, qui voulaient le