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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/115

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consciencieux, ce qu’il y a dedans les plans d’un visage, de petites protubérances, d’épaisseurs, de méplats, d’amincissements qui s’aperçoivent à la lumière frisante, et ce qu’il faut de boulettes de terre glaise et de grattages d’ébauchoir, pour rendre les insensibles creux et les imperceptibles saillies d’un plein ou d’un tournant de la chair, qui paraît plane.

Et je causais avec Alfred Lenoir, de l’âge où il s’était pris de passion pour la sculpture, et il me racontait qu’à l’âge de quatorze ans, ayant eu une fièvre cérébrale, ses études avaient été interrompues, et qu’il passait sa journée à vaguer dans l’École des Beaux-Arts, dont son père venait d’être nommé le Directeur. Et dans ce vagabondage, en cette maison d’art, il avait été pris du désir d’en faire autant, que les jeunes sculpteurs qu’il voyait travailler. Or, il avait obtenu de se faire inscrire parmi les concurrents pour l’admission à l’École, et à quinze ans, il était admis le premier, sur l’éloge que Carpeaux faisait de son morceau de sculpture. C’était une petite académie d’après un modèle affectionné par Regnault, un modèle à l’anatomie nerveuse, à la tête de mulâtre, et dont le corps artistique lui donnait une espèce d’enfiévrement dans le travail, un enfiévrement tel, me disait-il, qu’il sortait tout en sueur de ces séances du soir, pendant lesquelles avait lieu le concours.

Puis, à quelques années de là, Lenoir obtenait le second prix au concours de Rome, était découragé, dégoûté du travail de l’École, allait passer à ses frais