Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/63

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Jeudi 16 mai. — Ce soir Léon Daudet conte un rêve assez original qu’il a fait ces jours-ci. Charcot lui apportait des pensées de Pascal, et en même temps lui faisait voir dans le cerveau du grand homme qu’il avait avec lui, les cellules qu’avaient habitées ces pensées, absolument vides, et ressemblant à des alvéoles d’une ruche desséchée.

Il m’étonne ce sacré grand gamin, par ce mélange chez lui de fumisteries inférieures, de batailles avec les cochers de fiacre, et en même temps par sa fréquentation intellectuelle des hauts penseurs, et ses originales rédactions sur la vie médicale.

Et sur ce rêve, la conversation monte, et je dis qu’il serait du plus haut intérêt que l’ascendance de tout homme de lettres fut étudiée par un curieux et un intelligent jusque dans les générations les plus lointaines, et que l’on verrait le talent venant du croisement de races étrangères ou de carrières suivies par la famille ; et qu’on découvrirait dans un homme, comme Flaubert, des violences littéraires, provenant d’un Natchez, et que peut-être chez moi, la famille toute militaire dont je sors, m’a fait le batailleur de lettres que je suis.

Samedi 18 mai. — Les architectures exotiques de cette Exposition en tuent un peu la réalité ; il semble qu’on processionne dans les praticables d’une pièce orientale. Puis, au fond c’est trop grand, trop