Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/228

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La vie du régiment était dure au berger ; il comptait les années, les mois, les journées qui le séparaient du jour où, après ses sept années de service, il retournerait à ses landes et à ses bêtes. Mais comme il avait la résignation du chrétien, il accomplissait avec docilité et simplicité ses devoirs de soldat, respectueux avec son capitaine, respectueux avec son caporal. Il vivait toutefois dans son coin, allant tout seul de son côté, sans rapport avec les autres, auxquels cependant à l’occasion il rendait de petits services, restant de son pays, ne laissant entamer ni ses idées ni ses habitudes, contemplant à la dérobée les images de la petite semaine sainte qui ne quittait jamais son sac, insensible aux moqueries de la chambrée qui le voyait tous les matins, le premier levé, faire, agenouillé à la tête de son lit, une prière dans le jour à peine naissant, sans entendre dire à ceux qui s’éveillaient : « Tiens, Tanchon, le v’là déjà occupé à manger sa paillasse. »