Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/35

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pas une diminution ; seulement tous les mouvements passionnés de son âme prirent une opiniâtreté violente, une irraison emportée, un affolement, qui faisaient dire à la mère de sa fille, qu’elle était une bernoque. « Bernoque » était le nom dont la sage-femme baptisait les lubies fantasques, étonnant le droit bon sens de sa parfaite santé, les colères blanches dont l’enragement lui faisait parfois peur. Toute enfant, les mains qui la fouettaient, Élisa les mordait avec des dents qu’on avait autant de peine à desserrer que les dents d’un jeune bouledogue entrées dans de la chair. Plus tard, la violence que se faisait la grande fille pour ne pas rendre coup pour coup à sa mère, la mettait dans un tel état de furie intérieure, qu’elle battait les murs comme si elle voulait s’y fracasser le crâne. Mais ces colères n’étaient rien auprès des entêtements, des concentrations silencieuses, des obstinations ironiques, dont sa mère ne pouvait jamais tirer une parole