Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/151

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es d’une nuée grise, déchirée de rose.

Elle longea le mausolée de Cécilia Metella. La Via Appia continuait. De la plaine, une brise du soir se leva, ainsi que de la pierre soulevée d’un immense tombeau. Mme Gervaisais s’enveloppa de son châle contre la fraîcheur, songeuse, rêvant, pensant à cette grande Rome où menaient des avenues de tombes, et qui plantait tout le long de ses routes, sur le pas du départ et du retour, au lieu de l’ombre de ses arbres, l’ombre de ses morts. Elle passait sur les grandes dalles, entre les petits murs recevant sur la crête une dernière lueur de soleil dans le rouge des coquelicots : autour d’elle, le paysage, les montagnes, le ciel s’éteignaient en couleurs vagues. Et lentement défilait, semblant marcher avec elle et suivre sa voiture, cette rue de sépulcres qui va toujours avec ses rotondes, ses pyramides, ses édicules, ses cippes, ses piédestaux sans statue, ses bas-reliefs frustes, ses morceaux de torse, enfoncés comme des héros coupés au ventre dans des tas