Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/189

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marche, je me promène. J’ai un plaisir au roulement de la voiture qui m’emporte par les délicieux environs d’ici. je suis allante et venante, prête au mouvement, sans qu’il coûte à mon corps l’effort et l’entraînement qu’il exige d’ordinaire du malaise d’une malade. Même s’il se rencontrait quelque société ici, je te dirai que je serais presque en disposition de la voir. De ce côté je suis vaillante, tu vois. Ce qui m’est venu, c’est une immense paresse de tête, une fatigue à lire, à penser, à m’occuper sérieusement et spirituellement. Un livre me tombe de l’esprit comme il me tomberait des mains. J’ai peine à raisonner sur le peu que je lis. Les facultés, les fonctions, les décisions de mon cerveau s’engourdissent. J’ai l’impression d’un demi-sommeil, d’une flânerie flottante de mon intelligence. Par moments, la vie de mes idées me paraît s’en aller de moi, se disperser dans ce qui m’entoure, se fondre dans je ne sais quelle abêtissante contemplation… Je me demande si ce n’est pas ce pays d’ici, ce lac avec son