Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/23

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Sophie, se livrer, s’abandonner à son amant. · · · · ·

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· · · · · les infortunés goûtent une espèce de plaisir à épancher leurs douleurs dans le sein de l’amitié, et c’est le seul aujourd’hui auquel il me soit permis de me livrer. Je commence donc.

Je suis née d’une famille honnête. Mon ayeul paternel a été proscrit et fugitif par le malheureux édit de Nantes qui a fait perdre à la France tant d’honnêtes familles, et qui a entraîné la perte de tous leurs biens. D’autres circonstances non moins malheureuses ont amené mon père à Paris, où avec le peu qui lui restait des dépouilles de sa fortune, il s’est mis dans le commerce et a épousé ma mère, fille d’un bon bourgeois de Blois…

Enfin, je suis née. Et, chose remarquable, c’est que je suis née dans la même alcôve, où avait été assassiné l’amiral Coligny, deux cents ans auparavant[1], étant née en 1745[2]Autre événe-

  1. Une lettre de Sophie Arnould, publiée dans un journal en 1776, signale cette bonne fortune de son berceau, d’avoir été placé dans l’illustre chambre de Coligny, habitée depuis par la duchesse de Montbazon et devenue un temps l’atelier de Vanloo. Malheureusement pour la vérité et l’exactitude de la légende qui court les livres, l’actrice a fait, et dans sa lettre et dans ses mémoires, un gros mensonge. L’actrice est née, ainsi que l’atteste son acte de naissance, rue Louis-le-Grand, et n’a habité la rue Bétizy (depuis, la rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois) que quelques années après sa naissance.
  2. Sophie Arnould se rajeunit sciemment, et même la date