Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/30

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-main, le bruit et la causerie du monde. Imaginez tout le faubourg Saint-Germain allant se faire inscrire chez la maîtresse de cette fée, de cet ange, de cette voix céleste ; Paris heureux et amoureux comme s’il avait trouvé une nouvelle mode ; Mme de Conti toute fière d’avoir couvé cette petite gloire ; la cour même émue des applaudissements de la ville ; bien plus, la Reine, — cette reine retirée dans un petit monde d’amitiés, et qui ne regardait guère au dehors pour n’être point dérangée de son tranquille bonheur, — la Reine curieuse ! Marie Leczinska demandant à voir Sophie !

Mme de Conti fait atteler en gala, met, ce jour-là, Sophie à la bonne place à côté d’elle ; et grande livrée, et beaux chevaux de brûler la route de Versailles en gens et en bêtes qui savent mener le caprice d’une reine, tandis que la princesse, moitié tendre, moitié amère, dit, se penchant sur la petite : « À cause de vous, l'on se ressouvient de moi ! » On descend ; puis on monte. Sa Majesté arrive, l’air riant, baise la petite au front avec un : « Elle est, en vérité, bien jolie ! » lui permet de s’asseoir, lui fait apporter deux ou trois cahiers de musique, et l’encourage à choisir et à n’avoir point peur. Sophie entama bravement un morceau de bravoure dans le salon sonore ; et le morceau n’était pas fini, que la Reine, qui était musicienne, disait