Aller au contenu

Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

-lèpre de La Harpe : « C’est tout ce qu’il a des anciens ! » En voulez-vous un autre d’une méchanceté plus polie, plus raffinée, plus française ? Bernard composait son Art d’aimer sous un chêne : « Je m’entretiens avec moi-même, — dit le poète au salut de Sophie. — Prenez garde, vous causez avec un flatteur ! » Et encore, dans ce même ordre de phrases bien nées, dans la gamme délicieuse des câlineries du cœur, quoi de plus charmant que ce reproche fait à Helvétius qui lui envoyait un cadeau, et ne lui en parlait pas : « Est-ce que vous voulez perdre ce que vous m’avez donné[1]? »

XVII


Elle règne donc, et de toutes les façons. Restif de La Bretonne, dans la Paysanne pervertie, ne s’écrie-t-il pas à propos de la séduisante chanteuse : « Arnould, qui ne t’a pas adorée n’avait ni âme ni sensibilité, il n’avait

  1. C’était du temps que le philosophe Helvétius était beau danseur et coureur de coulisses, et qu’au nombre de ses conquêtes d’Opéra il compta Sophie Arnould. Et, chose curieuse, quand il se maria, le sentiment de la chanteuse pour l’homme aimé sembla se reporter sur le ménage. Millin, dans une note manuscrite de son Arnoldiana, dit : « Sophie, tant que Mme Helvétius a vécu, n’a jamais passé quinze jours sans la voir, et elle en était toujours bien reçue. »