Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/71

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-seuse, (l’une certaine Mlle Robbé, qui acheminèrent Dorval de l’amour à l’amitié. Une élève de l’Épy, une débarquée de Stuttgard, noble, majestueuse, sévère en sa danse, grande de corps, presque colossale, Vestris en Vénus, Mlle Heinel, acheva la délivrance des deux amants[1] .

Une délivrance, oui ! mais dont Sophie semble avoir gardé un certain dépit, et plus tard, bien plus tard, lorsqu’il n’y aura plus guère que de l’amitié entre les deux anciens amants, dans son rôle de correspondante, de gazetière des théâtres, elle restera mauvaise à la femme qui lui a enlevé son Dorval. Qu’on lise cette lettre :

« Ce jeudi, 2 mars 1769.

« Vous m’avez donc oubliée totalement, cher comte, car je n'ai reçu aucune nouvelle de vous depuis votre départ, et cependant je vous ai déjà adressé un griffonnage de la pauvre Sophie, tel que vous m’en aviez demandé avant votre départ ;

  1. Voici le spirituel et littéraire portrait qu’en fait Walpole : « Il y a une autre danseuse plus agréable, que M. Hobart va transplanter à Londres ; c’est une Flamande qui se nomme Mlle Heinel ; elle est grande, merveilleusement faite et fort belle ; elle a une série d’attitudes copiées sur l’antique ; elle se meut avec la lenteur gracieuse de Pygmalion, quand elle vient à la vie, et elle fait des ronds de jambe aussi imperceptibles que si elle dansait dans le zodiaque, mais ce n’est pas la Vierge. »