Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/82

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grâces de cette dame pour retenir sa sévérité. »

Et voyez la chance heureuse de cette impudente : quand on la met une fois au Fort-l’Évêque, elle n’y reste que pour apprendre une bonne action de son bon cœur au monde, et doter d’une scène attendrissante un vaudeville à venir, que baptisera son nom[1] .

Enfin, grisée de prospérité et d’encens, Sophie se rit, comme par jeu, des menaces des directeurs, des réprimandes des intendants des Menus-Plaisirs, des impatiences du public. Elle manque à Paris accouru pour l’applaudir. Elle se montre en loge à l’Opéra, le jour où elle s’est fait excuser, en disant ironiquement « qu’elle venait prendre une leçon de Mlle Beaumesnil ». Et quand eJîe joue, quel dédain pour le public ! Vous souvenez- vous de ce que dit Restif de La Bretonne les Nuits de Paris ? « Mlle Arnould était belle sur la scène… mais souvent elle la quittait, comme les chanteurs quittent l’office pour causer entre eux ; je n’ai jamais vu cette incongruité sans souffrir cruellement. » Et quelles exigences à l’Opéra, quelle tyrannie ! Les Archives Nationales ne nous apprennent-elles pas que « Mlle Arnould, au préjudice du règlement, prétend qu’aucune de ses camarades ne se serve

  1. Sophie Arnould, comédie de MM. Barré, Radet et Desfontaines, représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, en pluviôse an XIII.