Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/212

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où sa jeunesse se noyait. Tout à coup, elle s’écria :

— Oh ! ai-je assez radoté ! C’est le moment d’aller nous coucher ! Il est impossible de tout redire.

Nicolas s’inclina devant elle plus bas que de coutume et lui serra la main avec plus de force. Sophie l’accompagna jusqu’au seuil de sa chambre ; là, elle s’arrêta et dit à voix basse :

— Reposez-vous !… Bonne nuit !

Sa voix était chaleureuse. Ses yeux gris caressaient doucement le visage de Pélaguée… Celle-ci prit la main de Sophie et, la serrant entre les siennes, elle répondit :

— Merci à vous !…


IV


Quatre jours plus tard, la mère et Sophie se montrèrent à Nicolas pauvrement vêtues de robes d’indienne usée, le bâton à la main, la besace à l’épaule. Ce costume faisait paraître Sophie plus petite et donnait une expression sévère à sa physionomie.

— On dirait que tu as passé ta vie à aller de monastère en monastère ! lui dit Nicolas.

En prenant congé de sa sœur, il lui serra la main énergiquement. Une fois de plus, la mère nota cette simplicité et ce calme. Ces gens ne prodiguaient pas les baisers ni les démonstrations affectueuses, et pourtant, ils étaient sincères entre eux, si pleins de sollicitude pour les autres. Là où Pélaguée avait vécu, les gens s’embrassaient beaucoup, se disaient souvent des mots tendres, ce qui ne les empêchaient pas de se mordre comme des chiens affamés.

Les voyageuses traversèrent la ville, gagnèrent la campagne et s’engagèrent sur la large route battue, entre deux rangées de vieux bouleaux.

— Ne serez-vous pas fatiguée ? demanda la mère à Sophie.

— Vous croyez que je n’ai pas l’habitude de marcher ? Vous vous trompez…

Gaîment, avec un sourire, comme si elle parlait d’espiègleries enfantines, Sophie se mit à raconter ses