Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/102

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Lorsque l’aïeule eut obéi, grand-père saisissant le chandelier et le tenant devant lui, comme un soldat son fusil, se mit à crier d’une voix ironique :

— Eh ! Mikhaïl, voleur nocturne, chien enragé, galeux !

Un carreau du haut de la fenêtre vola aussitôt en mille éclats et un fragment de brique tomba sur la table près de grand’mère.

— Coup manqué ! hurla grand-père, et il eut un rire qui ressemblait à un sanglot.

Grand’mère le prit dans ses bras, comme un enfant, et elle le porta sur le lit, en murmurant avec effroi :

— Que fais-tu ? Que fais-tu ? Que Dieu soit avec toi ! Ne le tente pas. Est-ce que, dans sa rage, il comprend ce qu’il fait, et que c’est la Sibérie qui l’attend ?…

Les jambes vacillantes, grand-père râla :

— Qu’importe qu’il me tue !

Au dehors, on meuglait, on piétinait, on égratignait le mur. Je pris la brique qui était sur la table et je courus à la fenêtre ; grand’mère parvint à m’arrêter, et, me repoussant dans un coin, elle siffla entre ses dents :

— Ah ! maudit !…

Une autre fois, l’oncle Mikhaïl, armé d’un gros pieu, tenta de pénétrer dans le corridor ; debout sur les marches du perron accédant à la cuisine, il essayait d’enfoncer la porte. Grand-père, armé d’un bâton, deux locataires avec une massue, et la femme du cabaretier le suivaient, tandis que grand’mère, piétinant sur place, suppliait :

— Laissez-moi aller vers lui… Laissez-moi lui parler, lui dire un mot…

Grand-père la repoussait, et ces quatre personnes