Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

scandale. Chaque fois qu’elle sortait, la police l’arrêtait…

Décidément, je préférais rester à la maison ; c’était plus agréable que la rue. J’aimais surtout les heures qui suivaient le dîner ; grand-père se rendait à l’atelier de l’oncle Jacob ; grand’mère, assise à la fenêtre, me racontait des légendes ou des histoires intéressantes, et me parlait de mon père.

Elle avait coupé avec beaucoup d’adresse l’aile de l’étourneau rapporté par le chat, et substitué à la patte brisée une petite béquille de bois. Et maintenant que l’oiseau était guéri, elle lui apprenait à parler. Semblable à une bonne grande bête, elle restait des heures entières debout devant la cage accrochée au montant de la fenêtre ; et de sa voix profonde répétait à l’oiseau intelligent :

— Voyons, dis : « Donne-moi du gruau ! »

L’étourneau, posant sur elle son œil rond et vif d’humoriste, sautillait avec sa béquille sur le mince plancher de la cage et là tendait le cou, sifflait comme un loriot, imitait le coucou, essayait de miauler et d’aboyer, mais ne parvenait pas à articuler les mots voulus.

— Ne fais pas l’espiègle ! exhortait gaîment grand’mère. Dis : « Donne-moi du gruau ! »

Et le petit singe emplumé criait d’une manière assourdissante quelque chose qui ressemblait vaguement aux paroles de la bonne femme ; du bout du doigt, elle offrait à l’oiseau du gruau de millet et protestait :

— Ah ! coquin, je te connais : tu sais tout, tu peux dire tout ce que tu veux, seulement, tu fais l’hypocrite !