Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/167

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limes, d’émeri, de scies fines comme du fil et d’une balance de cuivre, très sensible. Après avoir versé dans d’épais bols blancs divers liquides, il regardait la fumée qui s’en dégageait et remplissait la pièce d’une odeur acre ; les sourcils froncés, il consultait un gros bouquin et rugissait en se mordillant les lèvres, ou bien fredonnait doucement d’une voix enrouée :

Ô Rose de Saron…

— Qu’est-ce que tu fabriques ?

— Quelque chose, petit frère.

— Mais quoi ?

— Je ne puis t’expliquer cela d’une façon intelligible pour toi.

— Grand-père dit que tu fais peut-être de la fausse monnaie…

— Il dit cela… Hum ! Eh bien, ton grand-père se trompe… L’argent, frérot, l’argent n’a pas d’importance…

— Et pour acheter du pain ?

— Tu as raison, frérot, il faut payer le pain, tu as raison…

— Tu vois ! Et la viande aussi !

— Et la viande aussi !

Il se mit à rire tout bas, d’un rire étonnamment affectueux, puis, me chatouillant derrière l’oreille, comme si j’étais un petit chat, il ajouta :

— Il n’y a pas moyen de discuter avec toi… tu me cloues le bec, frérot… taisons-nous, cela vaudra mieux…

Parfois, il interrompait sa besogne et s’asseyait à