Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/221

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chose qui effrayait ma mère. Il s’enfermait avec elle assez souvent dans la chambre qu’avait occupée Bonne-Affaire et je l’entendais geindre et piailler comme l’insupportable chalumeau du berger bossu Nicanor. Au cours d’une de ces conférences, ma mère cria si fort que toute la maison l’entendit :

— Non ! Cela ne sera pas !

Elle claqua la porte et grand-père se mit à vociférer.

C’était le soir ; grand’mère, assise près de la table, à la cuisine, fabriquait une blouse pour son mari, murmurant entre ses dents des mots inintelligibles. Lorsque la porte se fut refermée avec fracas, elle s’écria, l’oreille aux écoutes :

— Elle est allée chez les locataires ! Ah ! Seigneur !

Soudain, grand-père se précipita dans la cuisine, courut à grand’mère à qui il asséna un grand coup sur la tête et se mit à siffler en secouant sa main meurtrie :

— Sorcière, tu bavardes toujours et tu racontes tout ce que tu ne devrais pas dire !

— Et toi, tu n’es qu’un vieil imbécile ! déclara paisiblement grand’mère en rajustant sa coiffe qui avait glissé. Non, je ne me tairai pas ! Et chaque fois que j’aurai vent de tes projets, je ne manquerai pas de la prévenir régulièrement.

Il se jeta sur elle et se mit à cogner à coups redoublés sur la grosse tête de sa femme qui, sans se défendre ni le repousser, lui disait :

— Bats-moi ! Bats-moi, imbécile ! Eh bien, oui, bats-moi !

Du haut de la soupente, je lançai sur mes grands-parents