Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/222

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les oreillers, les couvertures et même les souliers qui séchaient sur le poêle ; mais mon aïeul, aveuglé par la colère, ne s’en apercevait pas ; grand’mère était tombée par terre et il lui donnait sans répit des coups de pied à la tête ; enfin, il trébucha et tomba en renversant un seau rempli d’eau. S’étant relevé brusquement, crachant et reniflant, il s’enfuit au grenier dans sa chambre. Grand’mère, avec des gémissements, se redressa à son tour, se hissa sur le banc et se mit à épingler ses cheveux en désordre. Je sautai à bas de la soupente.

— Ramasse les oreillers et remets tout en place, commanda-t-elle, d’une voix fâchée. En voilà une idée, de nous lancer la literie ! Est-ce que cela te regarde ? Et l’autre, le vieux démon, était-il sorti de ses gonds… l’imbécile !

Soudain, elle poussa un cri et son visage se rida ; penchant la tête elle m’appela :

— Regarde donc, qu’est-ce que j’ai là qui me fait si mal ?

Je fouillai dans son épaisse toison : une épingle à cheveux était profondément enfoncée sous la peau ; je la tirai et j’en trouvai une autre que je voulus arracher également, mais mes doigts s’engourdissaient :

— J’aime mieux appeler mère, cela me fait peur !

Elle fit un geste :

— Non, non ! Je ne veux pas que tu l’appelles ! C’est un vrai bonheur qu’elle n’ait rien vu ni entendu ! Va-t’en !

Et de ses agiles doigts de dentellière, elle se palpa