Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/291

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de beauté et de douceur, comme si elles eussent été vivantes, fragiles et que, plein d’affection pour elles, il eût eu peur de les abîmer par un contact trop brusque. Il n’usait pas d’autant de précautions avec les enfants, mais ceux-ci cependant l’aimaient.

Je savais toujours assez bien mes leçons et, néanmoins, on m’avertit bientôt que je serais renvoyé pour ma mauvaise conduite. Cette information m’attrista ; car elle me faisait prévoir des suites plutôt fâcheuses ; ma mère devenant de plus en plus irritable me souffletait à tout propos et hors de propos.

Mais quelqu’un vint à mon secours : ce fut l’évêque Crisanphe, petit bossu qui avait l’air d’un sorcier, et arriva un jour à l’école sans y être attendu.

Vêtu d’une ample robe noire, coiffé d’un bizarre petit seau renversé, il prit place à la table du maître, sortit les mains de ses poches et commença :

— Eh bien, mes enfants, si nous causions un peu !

Tout, aussitôt, devint joyeux et vivant dans la classe, sensation agréable qui nous était trop peu connue.

M’appelant au tableau, après beaucoup d’autres élèves, il me demanda gravement :

— Quel âge as-tu ? Pas plus ! Que tu es long, mon ami ! Tu as sans doute été souvent à la pluie, n’est-ce pas ?

Il posa sur la table sa petite main sèche aux ongles pointus, rassembla entre ses doigts sa maigre barbe, puis fixant sur moi son bon regard il ajouta :

— Eh bien, raconte-moi ce qui te plaît le mieux dans l’histoire sainte.

Je lui répondis que, ne possédant pas le livre, je