Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/31

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puis cria à mon cousin qui, du corridor, surveillait mon travail :

— Appelle vite ta grand’mère !

Et d’un air sinistre, hochant sa tête noire et bouclée, il me prévint :

— Attends un peu, tu vas voir ce qui va te tomber dessus.

Grand’mère accourut et poussa des clameurs de détresse, puis elle versa des larmes et me couvrit d’amusantes injures :

— Gringalet, oreilles salées ! Que le diable te soulève et te jette par terre !

La première chose à laquelle elle songea ensuite fut de plaider ma cause auprès du jeune homme :

— Ne dis rien au grand-père, je t’en prie, Tziganok ! Moi, je cacherai la nappe et je m’arrangerai de telle sorte qu’on n’en sache rien.

L’ouvrier, essuyant sur son tablier multicolore ses mains mouillées, répondit d’un ton soucieux :

— Pour ce qui est de moi, vous pouvez être tranquille et je ne dirai rien ; mais veillez à ce que Sachka n’aille pas rapporter.

— Je lui donnerai un copeck ! dit grand’mère en m’entraînant vers la maison.

Le samedi avant les vêpres, je ne sais quel membre de la famille m’amena à la cuisine où tout était obscur et silencieux. Je me rappelle les portes fermées des chambres et du corridor, le brouillard grisâtre d’une soirée d’automne derrière les fenêtres et le bruit sourd de la pluie. Sur un large banc, devant la gueule noire du fourneau, j’aperçus Tziganok qui n’avait pas son expression habituelle ; grand-père