Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/32

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debout dans un coin devant un cuveau, choisissait de longues verges qui trempaient dans l’eau ; il les mesurait, les assemblait et les faisait siffler en les secouant. Grand’mère prisait avec bruit dans la pénombre, tout en grommelant :

— Il est content… le bourreau…

Assis sur une chaise au milieu de la cuisine, Sachka se frottait les yeux avec les poings, geignant d’une voix altérée, comme un pauvre petit vieux :

— Pardonnez-moi, au nom du Christ…

Épaule contre épaule, Sacha et sa sœur, les enfants de l’oncle Mikhaïl, étaient debout derrière la chaise et semblaient pétrifiés.

— Je te pardonnerai quand je t’aurai fouetté !… répliqua grand-père, en faisant glisser une longue verge mouillée entre ses doigts repliés. Allons, enlève ton pantalon.

Il parlait tranquillement ; ni le son de sa voix, ni le grincement de la chaise sous le gamin qui se débattait, ni les piétinements de grand’mère ne parvenaient à violer le silence solennel stagnant dans le demi-jour de la cuisine sous le plafond bas et enfumé.

Sachka se leva, déboutonna sa culotte qu’il fit descendre au-dessous du genou, et, la retenant d’une main, le dos voûté et trébuchant, il se dirigea vers le banc. Cette scène n’avait rien pour moi d’agréable et je sentais mes jambes qui flageolaient.

Mais je devins plus malheureux encore quand mon cousin se coucha docilement et à plat ventre sur le banc auquel Tziganok l’attacha avec un large essuie-main qu’il passa sous l’aisselle et sur le cou de