Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/52

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— Non.

— Vraiment ? Parfois, il dansait avec ta grand’mère… Attends, tu vas voir…

Très grand, mais épuisé et flasque, pareil à une image de saint, il se leva, fit une révérence à grand’mère et lui demanda, d’une voix plus grave et plus basse encore que de coutume :

— Patronne, je t’en prie, accepte de faire un tour de danse avec moi, comme autrefois avec ton gendre. Fais-nous ce plaisir !…

— À quoi penses-tu, Grigory, à quoi penses-tu, mon ami ! répondit grand’mère qui se défendait en riant. Danser à mon âge ! Les gens se moqueraient de moi…

Mais tout le monde joignit sa prière à celle de Grigory. Alors elle se décida, se leva d’un mouvement juvénile, tapota sa jupe, se redressa, rejeta en arrière sa tête pesante et arpenta la cuisine, en s’écriant :

— Eh bien ! riez si vous voulez ! Allons, Jacob, en avant la musique !

L’oncle se raidit, ferma les paupières et joua plus lentement. Pendant un instant, Tziganok s’arrêta ; puis il bondit et il se mit à tourner autour de grand’mère, les genoux pliés, tandis qu’elle marchait sur le plancher sans bruit, comme si elle flottait, les bras écartés, les sourcils haussés, les yeux noirs fixés au loin. Elle me sembla très drôle et le fou rire me saisit. Grigory me menaça du doigt et toutes les grandes personnes me regardèrent d’un air mécontent.

— Cesse de te trémousser, Tziganok ! commanda