Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/69

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en rêve. Il s’affaissait, s’aplatissait de plus en plus, se collait au plancher comme s’il eût dû s’y fondre et disparaître.

— Mikhaïl a filé à cheval jusqu’au cimetière pour prévenir le père, chuchotait l’oncle Jacob ; pendant ce temps, j’ai mis Tziganok dans un fiacre et je l’ai ramené ici au plus vite… Il est heureux que je ne me sois pas placé sous le socle, sinon, ce serait moi qui…

La bonne qui tentait de nouveau de consolider le cierge dans la main de Tziganok laissait tomber sur la paume de l’ouvrier des gouttelettes de cire et des larmes.

Grigory l’interpella brutalement :

— Colle-le donc au plancher, près de la tête, imbécile !

— Bien !

— Enlève-lui sa casquette !

Eugénie obéit ; la nuque de Tziganok donna contre le sol avec un bruit sourd ; sa tête roula sur le côté et le sang se mit à couler plus fort, mais d’un seul coin de la bouche. Tout cela dura affreusement longtemps. Je ne me faisais pas une idée exacte de ce qui était arrivé, je pensai d’abord que Tziganok se reposait, qu’il allait se redresser, s’asseoir et s’écrier :

— Fi ! Quelle chaleur !…

C’était l’exclamation qu’il proférait d’habitude lorsqu’il se réveillait le dimanche, après le dîner. Mais Tziganok ne se levait pas, il continuait à fondre. Le soleil baissait ; les bandes lumineuses s’étaient raccourcies et n’atteignaient plus que les tablettes des