règne de Barberousse laissa dans la mémoire des peuples un souvenir impérissable ; les Germains refusèrent longtemps de croire à cette mort inattendue, en des contrées aussi lointaines. La légende s’empara du vieil Empereur et le fit sommeiller dans une gorge inconnue des montagnes de Bohême, d’où il devait sortir un jour pour rendre l’âge d’or à la nouvelle Allemagne.
La mort de Barberousse produisit une telle panique, que son armée se débanda. Cinq mille hommes, à peine, ralliés par Frédéric de Souabe, atteignirent la Terre-Sainte. À cette expédition se rattache la fondation de l’Ordre Teutonique, institution à la fois monacale et chevaleresque, dont le premier grand maître fut Henry de Walpot.
Les croisés de France et d’Angleterre arrivèrent bientôt. Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion, s’étaient embarqués, le premier à Gênes, le second à Marseille, emportant toutes leurs richesses, augmentées de la Dîme Saladine, qui représentait le dixième du revenu de tous les sujets restant dans leurs foyers. Ils abordèrent à Messine, dans la Sicile usurpée par Tancrède sur sa parente Constance, épouse de Henry VI, fils de Barberousse. Tancrède, qui craignait également les deux rois, parvint à les diviser. Le roi de France, s’autorisant de sa suprématie féodale, affecta d’exiger certaines marques de déférence que l’orgueil du roi d’Angleterre lui refusait. On les empêcha d’en venir aux mains, mais on n’étouffa pas les germes de rivalité qui les rendirent à jamais irréconciliables.
Philippe quitta brusquement Messine, et arriva le premier, le 13 avril 1191, à Ptolémaïs (Saint-Jean-d’Acre), dont Guy de Lusignan avait commencé le siége. On attendit l’arrivée de Richard, qui n’était parti que le 10 avril. En traversant la Méditerrannée, le monarque anglais fit la conquête de l’île de Chypre sur Isaac Comnène et enleva un butin considérable. Il débarqua en Palestine au mois de juin et imprima une nouvelle vigueur aux opérations des croisés, dont les forces réunies s’élevaient à deux cent mille hommes environ.