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un poi de dure vie qu’il[1] souffrirent en cest monde, qui ne samble que delit a ceuls qui de cuer s’i metent. Et leur est avis en la fin que il ont paradis pour noient[2].

Et tout ausin[3] le puet avoir chascuns, et estre communs des biens Dieu, et avoir la joie de paradis, se il ne perist en lui meïsmes. [Fo 11 a] Mais cil qui desirrent[4] la gloire de ce[5] monde, il s’en empirent tant qu’il ne pueent nul bien aprendre ne entendre a leur sauvement. Si ont plus chier l’aisement du cors, dont il sont si tost hors mis et menez a douleur et a painne[6], qu’il ne font l’aise de l’ame qui touz jourz[7] dure. Ne ne prisent[8] riens, sens ne savoir d’oume[9], s’il ne se set avoir au siecle et se il n’a avoir assez par coi il soit alevez au siècle. Ainz dient qu’i est ni-[Fo 11 b]ces et fols[10], pour ce qu’il ne sieut[11] leur malices[* 1].

Mais tuit cil sont[12] maudit[13] de Dieu par la bouche le roi David, qui se painnent[14] de plaire au monde pour nulle rien qu’il sachent[15] faire. Car cel orgueill est vaine chose per[16][* 2] quoi l’en empire l’ame. Dont[17] David dist el sautier : Maudit sont, dist il, trestuit cil et confus comme gent d’essill, qui au monde plaissent de riens. Car de touz biens il s’ostent[18], et se descordent de Dieu, puis qu’il sont [Fo 11 c] en tel estat qu’i s’acordent au monde et a ses delices. Car Diex les a touz en despit, et leur escondit sa grace, pour ce qu’il quierent le los du monde ou il fu pour fols tenuz[19].

Et puis dist Diex en l’evangile : que cil seront beneüré qui avront[20] le monde en despit et qui seront des genz haÿz et degetez et escharniz[21] comme foul pour l’amour de moi et de mon non. Car il avront el ciel le guerredon.

Car ce puet on [Fo 11 d] tout clerement[22] veoir, se Diex meïsmes ne ment et veritez n’est fausetez, que ceuls[23] a cui li mondes[24] plaist, et qui le los du monde veulent avoir, il ne puet estre qu’i[25] ne s’en duelent[26].

  1. — B : que il.
  2. — B : neant.
  3. — B : aussi.
  4. — B : desirent.
  5. — B : cest.
  6. — B : paine.
  7. — B : jours.
  8. — B : prise.
  9. — B : d’omme.
  10. — B : qu’il est fouls et nices ; C : qu’il est nice et fol.
  11. — B : que il ne sieut ; C : qu’il ne sieut ; A : qu’il sient.
  12. — B : « sont » manque.
  13. — B : maudist.
  14. — B : painent.
  15. — B : sache.
  16. — B : par.
  17. — A : Oont.
  18. — B : Car il s’ostent de touz biens.
  19. — B : ou il fu tenuz pour fols.
  20. — A : aururont.
  21. — B : haÿ et degeté et ladi et escharni...
  22. — B : plainement
  23. — B : faussetez, que cels.
  24. — B : a qui le monde.
  25. — B : qu’il ne
  26. — B : duillent.
  1. * « Ne ne prisent... malices » : Ils n’apprécient ni le sens ni le savoir d’un homme s’il n’a pas de biens sur cette terre et s’il n’a pas de biens temporels au moyen desquels il puisse s’élever en ce monde. Aussi l’appellent-ils sot et fou parce qu’il n’imite pas leurs méchancetés.
  2. * « per » : cette forme se retrouve à plusieurs reprises dans le ms. A : fo 59 a, fo 95 b, fo 114 c. Elle est confirmée par de nombreux exemples : Serments : « per dreit » ; St Léger : st. xvii « toth per enveia, non per el ». Sermons de St Bernard (Paris, 1841) p. 537 : « Il se combat en sa conversation et per paroles et per exemples ». Papegau (Halle, 1897) p. 17. 32 « maillié dehors per semblant ».