Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/108

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liques, le soir, et nous allions nous attabler, pensifs, au petit entresol de la rue Racine. La politique tourbillonnait en conversations violentes : le duc de Broglie et M. de Fourtou semblaient alors plus inévitablement célèbres que n’importe quel Homère ou quel V. Hugo. Les âpres discussions sur les 363 nous poursuivaient au restaurant, au café, à la brasserie. Georges Lorin les retrouvait à son atelier, rue Madame, chez Testutet Massin, les grands entrepreneurs de chromolithographies ; moi-même, je les sentais couver sous le silence terrorisé des employés du ministère.

Ce fut une période lamentable, où il semblait que jamais plus, au grand jamais, on ne s’occuperait de littérature. C’était à y renoncer. Mais de mes fréquentations avec l’illustre Sapeck, j’avais conçu le fumisme, une sorte de dédain de tout, de mépris en dedans pour les êtres et les choses, qui se traduisait au dehors par d’innombrables charges, farces et fumisteries. Dans le silence du ministère financier, je me faisais la main. Ce fut une époque terrible et joyeuse.

J’étais alors employé dans la grande galerie des Rentes, je ne pointais plus, je payais, sans