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Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/114

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vingtième année, les hommes, suivant le bon conseil du maître Ernest Renan, se livrent à la joie ?

J’ai l’air ici de plaider les circonstances atténuantes, et c’est peut-être vrai : tant on a depuis reproché à quelques-uns d’entre nous l’aspect fou, la conduite échevelée, bizarre, le rire, et les grands éclats de gaieté. Ç’a été un crime en notre doux pays de France ! Étrange ! je le constate sans rancœur, et si c’était à recommencer, j’agirais encore de même. Mieux vaut être demeuré vivant grâce à l’insouciance, que d’être mort stoïquement de misère, en se drapant dans un manteau de héros byronien. Si parfois nous avons dépassé la limite permise au rire, nous n’avons pas du moins allumé le réchaud d’Escousse, ni cherché le foulard de Gérard de Nerval. C’est bien quelque chose.

Mieux vaut goujat debout qu’empereur enterré !

D’autre part, cet exercice de blagueur à froid, ces essais de mise en scène fumiste, donnaient au provincial l’aplomb dont sa timidité avait un rude besoin.

Oh ! sans doute, à coudoyer les poètes, j’avais déjà perdu quelques illusions. Ils n’ap-