Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/118

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me regarda aussi ; puis, s’adressant à Thamar, il déclara :

— C’est celui qui t’a envoyé les vers ?

Elle fit signe : oui, de la tête, balançant au bout de ses lèvres sa cigarette qui s’éteignait — seul et vague indice d’une émotion contenue, oh ! très contenue.

Alors, le monsieur jeune se leva, prit son parapluie d’une main, son chapeau de l’autre, et s’inclinant courtoisement, il me dit :

— Nous n’allons pas être ridicules, n’est-ce pas ? Je voudrais vous dire deux mots sur le balcon. Là !

— Volontiers, répondis-je.

Nous passâmes sur le balcon ; et, quand il eut refermé derrière nous la double porte, le monsieur jeune me dit :

— J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les vers que vous avez envoyés à Nini-Thamar. Je ne voudrais pour rien au monde entraver un amour tel que celui que vous dépeignez ; et plutôt que de couper la gorge d’un poète, je préfère vous laisser la place libre, si vous y tenez.

— Hum ! hum ! fis-je.

— Nous battre serait absurde ! Cette fille ne